En octobre, Ultimo Diez vous présentait le parcours de Gladbach, l’histoire du club et sa situation actuelle. Aujourd’hui, pour en parler de façon encore plus précise nous avons eu l’occasion d’obtenir en exclusivité, une interview d’Ibrahima Traoré, l’une des stars de cette équipe. Entre Franck Ribéry, le tempérament de Xhaka et l’identité unique de M’Gladbach, ce joueur majeur de la Bundesliga, qui évolue en Allemagne depuis ses débuts en professionnel a accepté de se confier à nous lors d’un long entretien. Dans cette première partie pour nous parler de sa vie, son club ou encore de son histoire assez particulière. Bonne lecture les Diezistas !
Ultimo Diez : Bonjour, d’abord j’espère que ça va et que tu t’es bien remis de ta blessure ?
Ibrahima Traoré : Oui, ça va je me suis bien remis, normalement je devrais jouer samedi donc bon…
U10 : Justement par rapport au match de samedi face à Dortmund, comment vous l’abordez ? Vous avez un esprit de revanche après la lourde défaite 4-0 lors du match aller ?
IT : Oui, oui quand même, on a encore ça dans nos têtes mais bon on ne va pas jouer n’importe comment non plus. On va plutôt se concentrer car on est dans une bonne période et puis, on doit gagner des matchs chez nous.
U10 : Maintenant par rapport à toi, depuis que tu es arrivé en Allemagne, comment ça s’est passé pour toi ? Comment as tu vécu le fait de devoir quitter la France sans avoir pu te montrer ?
IT : Franchement au début c’était très difficile, je n’étais jamais parti plus longtemps que deux semaines de chez moi, de Paris. En plus j’ai vécu avec beaucoup de monde à la maison, on était douze avec mes frères, mes sœurs, mes cousins… Puis à 18 ans j’ai complètement changé de vie. En plus, partir comme ça à l’aventure dans un pays avec une culture différente, c’était très compliqué parce que je n’étais pas dans cette mentalité là, loin de ma famille… D’autant que ma situation dans le foot n’était pas aussi claire que ça. Donc voilà j’ai pris ce risque, ça s’est bien passé, voilà où j’en suis maintenant après près de dix ans en Allemagne.
U10 : Du coup pour toi, avec cette histoire, tu ne veux pas partir d’Allemagne ? Tu ne vas pas revenir dans un club français par exemple pour finir ta carrière ?
IT : Si je vais finir ma carrière en Allemagne ? Ça je ne peux pas le dire, je ne sais pas. Après voilà, ça fait longtemps que je suis là, c’est mon deuxième pays, en tant qu’homme j’ai vécu plus de choses en Allemagne qu’en France… Mais après on ne sait jamais dans le foot, on ne peut jamais dire « je peux vous assurer que je reste en Allemagne » et demain je pars quelque part ailleurs. Donc je n’aime pas trop m’avancer sur ce genre de chose mais ça ne me dérangerait pas sinon.
U10 : Justement par rapport au Hertha Berlin et aux différents clubs que tu as fait en Allemagne depuis que tu es arrivé, lequel t’a le plus marqué, celui pour lequel tu ressens le plus de choses ?
IT : En fait c’est bizarre parce que pour tous les clubs il y a une histoire un peu différente. Je veux dire qu’il y a un attachement différent pour chacun, parce que voilà, au Hertha (NDLR : arrivé là-bas en 2007 où il joue seulement un match avec les professionnels et le reste avec la réserve) ce sont eux qui m’ont donné la chance de devenir professionnel. J’y suis arrivé comme un enfant donc après j’ai pu réaliser mon rêve de devenir professionnel grâce à ce club, ils resteront toujours donc mon cœur.
Après il y a Augsburg, (arrivé en 2009) c’est le club qui m’a vraiment permis de me révéler et de jouer en tant que professionnel parce qu’au Hertha je n’ai pas joué. Ce sont eux qui m’ont vraiment donné ma chance. Ensuite il y a Stuttgart (arrivé en 2011), grâce à eux j’ai pu devenir un bon joueur de Bundesliga et plus seulement de deuxième division. Je pense que c’est là que j’ai le plus appris en tant qu’homme. Et maintenant il y a Gladbach (arrivé en 2014) où je dois juste confirmer ce que je sais faire. Le club m’aime beaucoup, il compte sur moi, de même que les supporters qui m’aiment énormément. Donc c’est difficile de dire exactement quel club a le plus d’importance car chacun à eu un rôle dans mon évolution. Mais bon si je devais en choisir un, je dirais pour l’instant ici, à Gladbach, parce que les gens ici m’apprécient vraiment à ma juste valeur.
« Je pense que c’est à Stuttgart que j’ai le plus appris en tant qu’homme »
U10 : Donc pour toi, tu as réellement franchi un pallier à Gladbach, c’est là que tu es devenu un joueur majeur en Bundesliga ?
IT : Oui, je pense, pour moi Gladbach c’est le club où je dois confirmer ce que je sais faire. Après, là où je pense que j’ai vraiment franchi un pallier c’est à Stuttgart. Je suis passé de la deuxième division en venant d’Augsburg à la première. Après ça, je suis devenu un joueur complet de Bundesliga. Maintenant je pense que tout le monde me connaît en Allemagne grâce à Stuttgart. Et là, maintenant, c’est à moi d’essayer de confirmer. Le plus dur ce n’est pas d’y arriver mais de confirmer, et c’est ce que je suis en train de faire, et ce que je vais essayer d’encore mieux faire à Gladbach.
U10 : Et à Gladbach ça se passe bien ? T’es le plus proche de qui au quotidien ?
IT : Oh oui ça se passe très bien, mais au quotidien celui avec qui je suis le plus proche c’est Thorgan Hazard, forcément, parce qu’il parle français donc ça rapproche. Puis je parlais allemand donc au début j’ai du tout lui traduire, ce n’était pas facile pour lui. Mais il n’y a pas que lui, il y a aussi Yann Sommer, notre gardien, qui parle aussi français. La langue ça crée beaucoup plus d’affinités. Mais sinon moi je n’ai pas de problème, avec toute l’équipe ça va.
U10 : Par rapport à votre effectif, il y a des joueurs qui t’impressionnent, comme Mahmoud Dahoud, parce qu’il a été impressionnant sur la première partie de saison bien que ce soit ses débuts et que très peu de monde le connaissait ?
IT : En fait, ce sont les gens qui ne le connaissaient pas bien et qui ne suivaient pas nos entraînements. Mais je comprends aussi qu’ils soient un peu surpris de voir un jeune comme ça, arriver de nulle part, et réaliser de telles performances. Mais nous ça fait 2 ans qu’il s’entraîne avec nous, on était tous convaincus de ce qu’il pouvait faire, donc voilà ce n’est pas une surprise pour nous. Il est vraiment très fort, mais il est encore jeune, il a encore beaucoup de choses à apprendre. Le plus important, avec le fait que tout le monde parle de lui, il ne faut pas qu’il perde la tête, s’il garde la tête sur les épaules il deviendra un très bon joueur de football.
U10 : Il y a d’autres joueurs comme lui qui marquent vraiment à l’entraînement ou pendant les matchs et qui pour toi sont susceptibles d’avoir une grande carrière ? Par exemple, des jeunes qui pourraient faire leur apparition d’ici la fin de saison étant donné que vous en lancez beaucoup.
IT : Oui bien sûr qu’il y en a mais après les gens ne les connaissent pas trop. En revanche parmi ceux qui ont déjà joué en Bundesliga et qui ne sont pas très connus en France il y a Thorgan Hazard, c’est un joueur avec un très gros potentiel. Et puis il y a aussi notre capitaine, Granit Xhaka qui est suivi par presque tous les grands clubs d’Europe, qui a 23 ans et qui est un joueur exceptionnel. Donc je pense que par rapport à ceux qui jouent maintenant, ceux qui ont le plus de temps de jeu, ce sont vraiment les deux joueurs les plus impressionnants.
U10 : D’ailleurs par rapport à Granit Xhaka, il fait énormément parler de lui pour ses performances mais aussi un peu son caractère qui est assez fort, il est toujours comme ça même en dehors du terrain ?
IT : À l’entraînement aussi il est comme ça, mais c’est parce qu’il n’aime pas perdre. Après, il le sait qu’il est impulsif. En plus, en tant que capitaine il sait qu’il doit changer d’attitude et qu’il doit plus se contrôler. Mais je pense qu’il en a pris conscience là un peu et que ça ne se reproduira plus. Il est encore jeune il ne faut pas l’oublier, et justement parce qu’on l’a beaucoup vu jouer et qu’il a des responsabilités, les gens ont tendance à oublier ce détail.
U10 : Sinon au niveau du groupe, avec Schubert ça se passe bien comme vous avez changé de coach en cours de saison ? Comment vous l’avez vécu ce changement ?
IT : Oui c’était assez bizarre parce que moi je suis venu ici par rapport à ce que m’avait dit Lucien Favre. Mais, pour moi, ça se passe bien mieux avec le nouveau coach parce que j’avais beaucoup moins de temps de jeu avec Favre. Pourtant c’est lui qui m’a ramené ici, c’est lui qui me voulait absolument. Et avec le nouvel entraîneur, justement, j’ai plus de temps de jeu, j’ai l’impression qu’il me fait beaucoup plus confiance, et qu’il me donne beaucoup plus de liberté dans mon jeu. Pour moi, ceci me permet de réaliser les performances que je réalise en ce moment et de m’épanouir encore plus que la saison dernière.
U10 : Par rapport à l’entraînement vous avez senti une différence notable entre les 2 coachs au niveau tactique ou autre ?
IT : Oui, la grosse différence c’est la liberté qu’on a nous les joueurs, chacun, la liberté de pouvoir s’exprimer avec ses qualités et en les intégrant, bien sûr, au collectif. Parce que c’est toujours ça qui sera le plus important. On peut être un bon joueur sur le plan individuel mais si tu ne t’inscris pas dans le collectif, tu ne joues pas. Et t’as beau être le meilleur joueur du monde, au final les coachs voient toujours la même chose : le collectif. Mais c’est ça la grande différence, c’est la liberté sur le terrain qu’on a en tant que joueur. Et moi-même je le sens par rapport à mes qualités dans le jeu, c’est à dire qu’offensivement je peux faire tout ce que je veux, le coach me le demande, mais si en contrepartie, défensivement, j’aide mon équipe.
U10 : Justement, du fait de ta position sur le terrain et de ta façon de jouer, il y a un joueur auquel tu t’identifie le plus, qui te fais rêver depuis longtemps maintenant ?
IT : A mon poste, le joueur qui m’a le plus marqué c’est Franck Ribéry, parce qu’en plus quand je suis arrivé en Allemagne, il est arrivé, je crois un an après ou la même année je ne sais plus. (NDLR : Il est arrivé en 2007 au Bayern Munich) En plus il a fait toute sa carrière ici, au Bayern Munich, avec les performances qu’il a réalisé et le niveau qu’il a eu depuis tout ce temps, c’est incroyable. Il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de la Bundesliga. Et moi comme j’avais l’occasion de le voir chaque week-end comme on évolue dans le même championnat, et qu’on joue au même poste, c’est vraiment le joueur, depuis que je suis devenu professionnel, qui m’a le plus marqué.
U10 : En parlant du Bayern, vous les avez quand même battu deux fois en 2015, sur vos deux confrontations, comment vous l’avez vécu dans le groupe ? C’était un match spécial ou au contraire un match comme les autres que vous deviez gagner ?
Déjà, nous voulons gagner tous les matchs parce qu’on a un style de jeu particulier, on sait que si on arrive à mettre notre jeu en place et avoir le niveau de performance que l’on a l’habitude d’avoir, on sait que l’on peut battre toutes les équipes. Mais surtout ce qui est le plus marquant, c’est qu’on sent que le Bayern a du respect pour nous, parce que même les joueurs lorsqu’ils viennent ils disent « oui là c’est le match le plus compliqué de la saison ». Puis lorsque Guardiola dit que l’on est l’une des équipes les plus difficiles à jouer, c’est vraiment qu’ils ont du respect envers nous. Et nous, contre eux on sait que c’est très difficile, qu’il faut bien défendre mais que si l’on réussit ça, on aura toujours la possibilité devant d’avoir des occasions et de les battre. Et c’est ce qu’on a fait les dernières fois.
U10 : Le style de jeu de Gladbach est très spécial. Tu pourrais le définir comment ?
IT : Pour le coup il faut le dire, c’est vraiment un style particulier, et c’est pour ça que tout ceux qui ne connaissent pas le foot ils entendent « Gladbach » et ils se disent « mais qu’est ce qu’ils font en haut du tableau ou en Ligue des Champions » et j’en passe. Et bien il suffit de nous regarder pour comprendre, déjà on joue l’un des styles de football les plus attractifs d’Allemagne avec sûrement Dortmund et le Bayern. En fait, on est fort dans les phases de transition, c’est vraiment ça notre force. Entre la perte du ballon, la récupération et la vitesse à laquelle on se projette vers l’avant, c’est ce qui fait la différence. Quand on perd le ballon et qu’on le récupère, on peut être très vite devant le but adverse et on sait alterner les deux choses. C’est à dire qu’on peut très bien jouer en contre mais aussi garder le ballon parce que dans la plupart de nos matchs on a la possession. Les gens ne comprennent pas que l’on puisse allier ces deux styles là dans un même match alors que certaines grosses équipes ne sont fortes qu’en contre ou qu’elles ne savent pas contrer mais plutôt bien garder le ballon. Nous on sait faire les deux et on sait bien l’alterner. Et quand on réalise ça correctement, c’est ça justement qui fait qu’une équipe comme le Bayern a du mal à jouer contre nous.
Source : Ultimo Diez.